Les deux lacs…

Dans l’évangile de Luc, nous lisons cette invitation de Jésus : « Donnez et il vous sera donné » (6.38).

Voici une image empruntée de la nature qui nous aidera à saisir la vérité de l’enseignement du Sauveur, qui nous aidera aussi à saisir le sens de son invitation.

Il y a deux lacs en Palestine : le lac de Galilée et la mer morte. Les deux lacs sont alimentés par le même fleuve : le Jourdain. Le premier, le lac de Galilée, est frais, limpide, des arbres poussent sur ses bords et étendent leurs feuillages au-dessus de lui.

Lac de Galilée ou Tibériad

Sur ces rives, il y a de vastes prairies, des bandes de verdures de quelques centaines de mètres de large couronnées de hautes collines nues coupées de lits de torrents qui s’y déversent. Dans l’eau il y a des poissons en quantité. Autour du lac, c’est la vie. Toute la province très fertile et très riche compte nombre de villes et de gros village, dont les habitants profitent de ses bienfaits. Des enfants jouent sur ses bords, comme autrefois, des bateaux de pécheurs vont et viennent des ses nombreux ports. Nous le savons, Jésus aimait ce lac; il le contemplait en disant ses paraboles et en guérissant les malades. Les évangiles racontent, avec clarté et chaleur, les rassemblements sur ses bords des foules nombreuses venues l’écouter.  

Le second, la Mer Morte, à  80 kms au Sud, reçoit lui aussi de l’eau du même fleuve, le Jourdain. Mais là, il n’y a plus de poissons, il n’y a plus de chants d’oiseaux, il n’y a plus de verdure tout autour, il n’y a plus d’enfants, plus de villes et villages.

Mer Morte

L’air est pesant et l’eau est imbuvable à cause de sa forte teneur en sel. Ces abords sont secs et inhospitaliers. La Mer Morte est plus une attraction touristique qu’un coin de paradis pour baigneurs.

D’où vient cette différence étrange entre les deux lacs voisins ? La cause n’en est pas au Jourdain (il apporte à l’un comme à l’autre la même eau limpide), ni au terrain environnant. La différence est ailleurs : le lac de Galilée, appelée aussi lac de Génésareth, prend l’eau du Jourdain, mais il ne la garde pas. Pour chaque goutte qui entre, une autre en sort. C’est un échange perpétuel, il prend pour donner. L’autre lac retient jalousement ce qu’il reçoit. Chaque goutte qui lui est donnée, il la garde. 

Le lac de Galilée donne et vit, l’autre ne donne rien et s’appelle la Mer Morte. 

Et comme il y a deux lacs en Palestine, on peut dire aussi qu’il y a deux sortes de chrétiens. Les uns sont vivants, les autre son morts ou paraissent morts. C’est aussi là, malheureusement, une réalité aujourd’hui. 

Approchons-nous des premiers : leur seul contact, leur seule présence est un réconfort. Il y a des choses qu’on n’ose pas faire, qu’on n’ose pas dire, qu’on n’ose pas penser en leur présence. Ils dégagent la joie, le courage, la pureté, l’amour. Ils font sentir la présence de Dieu dans leur vie. Il n’est pas nécessaire pour eux de faire de grandes leçons, de grands discours. Sans ouvrir la bouche, leur comportement de tous les instants, leur regard, sont un témoignage de ce que Christ a fait pour eux. Ils vivent pleinement cette parole de Jésus : « ce n’est plus moi qui vit, c’est Christ qui vit en moi » (Gal.2.20). Et cela change tout, nous le comprenons. Leurs actes sont en accords parfaits avec leurs paroles. 

Auprès des seconds, par contre, on est pris de malaise. Leurs visages allongés suggèrent la tristesse ou la crainte. Leurs conversations banales ou terre à terre n’ont rien d’édifiant. Pas de joie, pas de paix auprès d’eux. Pourtant, ce sont aussi des croyants, ou soit disant tels. En fait ils n’en n’ont que l’apparence. 

L’eau du Jourdain peut être une métaphore de l’eau de la grâce divine. Cette eau spirituelle baigne les uns comme les autres. Ils ont tous entendus le même message de l’Evangile. Oui, mais les uns ont compris que le trésor qu’ils ont reçu de Dieu ne leur appartient pas, qu’il ne leur a été remis que pour dispenser autour d’eux la vie, l’espérance, le bonheur qu’ils ont reçus eux-mêmes. Ils ont compris que tout est grâce de la part de Dieu. Certes, ils ne se prennent ni pour des héros, ni pour des saints, mais ils ont compris que l’amour divin les projetait hors d’eux-mêmes, leur interdisait de thésauriser et malgré leur faiblesse, ils se sont donnés, ils ont aimé, ils se sont oubliés pour leurs frères. Ils se donnent et c’est là leur vie. Et chose magnifique : eux qui n’étaient rien, ils sont devenus quelque chose pour Christ. Eux qui n’avaient rien, ils ont reçu beaucoup, beaucoup de lumière, beaucoup de paix, beaucoup de joie et beaucoup de bénédictions. Ils comprennent, ils vivent la Parole de Christ qui a dit un jour à la femme Samaritaine : « celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle » (Jn.4 .4). Et à cette foule assoiffée et rassemblée autour de lui pour l’écouter il a dit : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi des fleuves d’eau vive couleront de son sein » (Jn.7.38). Ces chrétiens là se sont donc emparés des promesses de Christ, mais ils se sont emparés aussi des ordres de leur maître : « Donnez ». Quant aux autres, ils ont beaucoup entendu, beaucoup reçu, comme dons spirituels et matériels, mais ils ont accepté tout cela comme un dû. Ils en n’ont pas été transformés, ils l’ont gardé pour eux-mêmes, caché comme un trésor, et comme la mer Morte, leur vie s’écoule pauvre et stérile en dépit des privilèges religieux et matériel que Dieu leur a donnés. Des chrétiens qui savent tout de la vérité et qui ne donnent rien ! Quel gâchis !

Nous, qui si facilement nous replions sur une vie chrétienne égoïste et facile, souvenons-nous des deux lacs de Palestine. Souvenons-nous que Jésus nous a sauvés ; non pas pour que nous gardions jalousement notre salut, mais pour faire de nous des sauveteurs d’âmes. Souvenons-nous que des multitudes autour de nous meurent sans espérance, qu’il y a des milliers d’âmes qui attendent la révélation de l’Evangile, des affligés qui voudraient être consolés, des mourants qui appellent au secours, des enfants qu’il faut instruire. Aurions-nous le cœur de les laisser mourir dans l’ignorance, dans l’angoisse et le désespoir quand nous possédons le secret de leur salut et de leur bonheur ? 

Prenons la décision de mettre à son service et au service des hommes pécheurs, nos connaissances de la vérité, nos privilèges d’enfants de Dieu, notre foi et nos biens matériels si nous en possédons. Là est le secret d’une vie chrétienne riche et féconde comme celui d’une Eglise vivante et conquérante.

(d’après A.Lamorte)

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