Vivre ses émotions

Le passage cité de Matthieu, rapporte un moment particulièrement difficile de la vie de Jésus. Le Seigneur est en plein combat spirituel, lequel se traduit par des réactions physiques. A sa lecture,  nous constatons que le doute, la crainte et la peur l’envahissent simultanément. Mais comment le Fils de Dieu peut-il sembler être autant terrassé ? Comment peut-il se laisser déstabiliser à ce point ? Et bien parce que tou Fils de Dieu qu’Il est, il est aussi fils de l’homme. Et son humanité transpire derrière ses réactions. Un jour Jésus pose cette question aux disciples :  « Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l’homme ? Ils répondirent : Les uns disent que tu es Jean Baptiste ; les autres, Élie ; les autres, Jérémie, ou l’un des prophètes » (Mat.16.13-14). 

J’ai toujours été frappé par le combat de Gethsémanée et lorsqu’on y réfléchis, on se rend compte combien l’attitude de Jésus est un exemple à suivre. Pourquoi ? Et bien particulièrement dans la manière dont il a géré la situation. En effet,  premièrement il n’est pas resté seul, ensuite il n’a pas caché ses émotions et enfin il ne s’est jamais éloigné de son Père. Trois attitudes sur lesquelles je vais m’arrêter et qui nous seront une aide lorsque nous traverserons « la vallée de l’ombre de la mort » (Ps.23). 

 1. Ne pas rester seul

Lorsque Jésus choisit ses disciples, l’évangile de Marc montre bien les deux buts que poursuit le Seigneur :  « Jésus monta ensuite sur la montagne ; il appela ceux qu’il voulait, et ils vinrent vers lui. Il en établit douze pour qu’ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher avec le pouvoir [de guérir les maladies et] de chasser les démons » (Mc.3.14). 

A plusieurs reprises Jésus va prendre à pat trois de ses disciples,  Pierre, Jacques et Jean les deux frères fils de Zébédé. C’est justement le cas à Gethsémanée, où si tous les disciples sont bel et bien présents, seuls trois d’entre eux sont conviés à le suivre à l’écart. Nous ne savons pas pourquoi ces trois disciples choisis parmi les autres. Il n’y a pas ici de « discrimination choisie et intentionnelle » de  la part de Jésus. Mais il est un évidence que chaque disciple a sa propre identité, son caractère que le Seigneur connait. En effet, Pierre est  un homme de caractère et de foi. Qualités indispensables pour l’oeuvre à laquelle le Seigneur l’appelle, à savoir la fondation même de son église, son Corps : « tu es Pierre et sur ce roc, je bâtirai mon église ». Jacques fut  le chef, le leader de l’Église de Jérusalem au temps de l’Église primitive. A l’étude de la biographie de Jacques, on découvre que l’un des traits caractéristiques et majeurs de sa vie est qu’il était un homme de prière. Quant à Jean, il est l’expression de l’amour. Il était le plus proche et le plus aimé de Christ (Jean 21.20-24). C’est cette proximité avec Jean qui a emmené Jésus sur la croix à lui confier sa mère. Dans la pensée de Dieu, l’amour n’est pas un sentiment, il est une vie, une nature : Dieu EST amour (1 Jn 4.8). 

Jésus a besoin de leur aide. Il leur fait confiance en les prenant une dernière fois avec lui, mais ces trois hommes ne peuvent pas lutter et s’endorment. La nuit est avancée et ils ne restent pas à la fatigue. Mais ils sont là ! Et leur présence rassure Jésus l’homme, même s’ils ne combattent pas avec lui comme espéré. Ceci dit, quelques heures auparavant, pendant le dernier repas, Jésus dira à tous ses disciples :  «  Vous, vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes épreuves ; c’est pourquoi je dispose du royaume en votre faveur, comme mon Père en a disposé en ma faveur, afin que vous mangiez et buviez à ma table dans mon royaume, et que vous soyez assis sur des trônes, pour juger les douze tribus d’Israël » (Lc.22.28-30). 

 Si Jésus a jugé bon et utile de s’entourer de disciples, à combien plus forte raison, devrions nous aussi nous entourer d’un Pierre, d’un Jacques ou d’un Jean… Savoir être assez humble pour partager ses fardeaux, ouvrir son coeur à cet ami dont nous savons qu’il aura compassion de nous. Rester seul c’est prendre le risque de tomber dans l’orgueil, celui qui engendre le sentiment d’autosuffisance. « Dieu résiste aux orgueilleux, et il fait grâce aux humbles » (1Pi.5.5). A ce sujet, vous notez que l’apôtre Paul témoigne que pour ne pas tomber dans l’orgueil à cause de l’excellence des révélations qu’il avait reçues, une écharde dans la chair lui est donnée. Et c’est à la fois pour préserver à la fois le message et l’envoyé que Dieu lui a imposé cette infirmité.  

 2. Ne pas contenir les émotions 

Alors qu’il s’approche du moment le plus terrible à vivre, la croix, – mais c’est aussi pour ce moment qu’il est descendu du ciel – Jésus est  « saisi de tristesse et d’angoisse son âme est triste à en mourir ». Jésus fait part, avec confiance, de ce qui se passe en lui aux trois disciples auxquels il demande de l’accompagner. C’est dans son âme qu’il souffre, sa douleur est exclusivement morale. La douleur est tellement fortes qu’une réaction physique se fait. C’est sous la plume de Luc que nous la lisons :  « Étant en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à terre » (Lc.22.44). Lui qui pouvait demander une légion d’anges à Son Père,lui, qui a apaisée la tempête, ouvert les yeux des aveugles, guéris tant de manies, chassé des démons, le voilà saisi d’un trouble inexprimable face au moment pour lequel il est descendu du ciel 

Vous noterez que Jésus ne cache rien,  jusqu’à révéler même son désir d’échapper au supplice de la croix :  « Mon Père, si cela est possible, que cette coupe s’éloigne de moi ». La coupe dont il parle, Jésus l’avait évoquée quelques heures plus tôt avec ses disciples, c’était lors du partage du dernier repas pascal :  « Il prit ensuite une coupe ; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant : Buvez-en tous ; car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés » (Mat.26.27-28). L’apôtre Paul écrit :  « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez » (1Co.11.25). Le souhait de Jésus est tellement humain face à cette coupe d’agonie qu’il doit boire.  Est-ce que nous osons exprimer nos émotions ? Ou bien sommes-nous de ceux qui, par pudeur ou orgueil (ne pas vouloir montrer une faiblesse), cachent ce qu’ils ressentent ? Il n’est pas rare dans l’Ecriture de voir des hommes de Dieu exprimer leurs émotions à l’Eternel, comme Moïse, le prophète Jonas ou le prophète Elie en particulier. Beaucoup d’entre eux exprimaient des émotions telles que la colère, la peur, le souci, la dépression, l’amertume. Les émotions sont parfois tellement complexes qu’il n’est pas aisé de les décrire, ce qui en rend quelquefois l’analyse très difficile. Le coeur de l’enfant de Dieu peut même vivre un mélange d’émotions contradictoires. Heureux en Jésus, confiant en ses promesses, il peut être attristé à cause de tout ce qui l’entoure. Il est dit de Lot  qu’il était « profondément attristé de la conduite immorale de ces hommes débauchés » (Gen.19.7).

Nous sommes faits d’émotions, nous vivons d’émotions, nous nous construisons par les émotions. Chacun possède sa personnalité avec ses propres caractéristiques. Une émotion nous arrive parce que nous sommes des être crées avec une sensibilité. Un beau coucher de soleil nous submerge, une bonne nouvelle nous  réjouit, mais une mauvaise nous remplit de crainte. La vue de la souffrance qui nous entoure développe de l’empathie, etc…Et les repousser reviendrait à nier notre nature humaine. Jésus ne l’a pas fait. Il a toujours été vrai. L’écriture nous dit que Jésus a ressenti les mêmes choses que nous sans jamais céder à Ses émotions.  « Car nous n’avons pas un souverain sacrificateur qui ne puisse compatir à nos faiblesses ; au contraire, il a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché » (Heb.4.15).

 3. Ne pas s’éloigner de Dieu

 « Sentez et voyez combien l’Éternel est bon ! Heureux l’homme qui cherche en lui son refuge ! » (Ps.34.9). Si Jésus se retrouve dans le jardin de Gethémanée, après le repas pascal, c’est uniquement pour chercher la face de Son Père :  « Asseyez-vous [ici] pendant que je m’éloignerai pour prier. » Et c’est emprunt d’un calme austère que Jésus regarde au ciel. 

Dans le moments difficiles, lorsque une tempête s’abat sur nous, comment réagissons-nous ? Notre premier réflexe est-il celui de la prière ? Et quand je parle de prière c’est bien entendu le cri que nous poussons vers Dieu, à l’image de l’éclair qui apparait dans  un ciel d’orage. Jésus sait toute l’importance de cette interconnexion avec son Père. Il a passé des nuits entières à prier durant les trois  ans et demi passées, justement parce qu’il se savait, en tant qu’homme, vulnérable face à la capitale mission confiée par Son Père. Et grâce à cette habitude, il ne s’est jamais laissé submergé ni contrôler par ses émotions. Ces dernières étaient bien réelles, nous l’avons vu, mais elles n’ont pas influencées ni arrêtées le Seigneur dans sa mission. Même si nous discernons une attaque de satan lorsque Jésus dit :  « Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe ! », il se reprend aussitôt :  « Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne ». C’est cette proximité qui lui permet de prendre position et d’accepter d’obéir à la volonté de Son Père, et ce malgré les fortes émotions qui le submergent.  « C’est pourquoi Christ, entrant dans le monde, dit : tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps ; tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit : voici, je viens (Dans le rouleau du livre il est question de moi) pour faire, ô Dieu, ta volonté » (Heb.10.5-7). « Alors un ange lui apparut du ciel, pour le fortifier. » Réaction du Père qui lui donne une aide céleste, parce que ses aides terrestres  (Pierre, Jacques et Jean) se sont endormis et ne luttent pas à ses côtés ;  « Quand un malheureux crie, l’Éternel entend, tt il le sauve de toutes ses détresses. L’ange de l’Éternel campe autour de ceux qui le craignent, et il les arrache au danger» (34.6-8). Cet ange offre un baume divin à l‘Agneau agonisant et anéanti. vient alors que Jésus est toujours en agonie, mais ayant pris position en n’obéissant pas à ses émotions mais bel et bien à la volonté de Son Père. Ainsi, la présence de l’ange, tel un ami à ses côtés, lui permet de persévérer dans sa décision d’aller jusqu’au bout. Tant que Jésus est encore en vie, satan sait qu’il peut encore assainir ses coups pour le détourner de cette mission. Ça il sait que Jésus est sur le point de réaliser la prophétie donnée par l’éternel contre lui :  « Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon » (Genèse 3.15). C’est parce qu’il ne s’est pas éloignée de son Père que l’homme Jésus a la force d’aller jusqu’au bout du combat. Paul aux Colossiens montre toute l’importance de ce combat :  « lI a effacé l’acte dont les ordonnances nous condamnaient et qui subsistait contre nous, et il l’a détruit en le clouant à la croix ; il a dépouillé les dominations et les autorités, et les a livrées publiquement en spectacle, en triomphant d’elles par la croix » (Col.2.14-15). 

 Ne pas s’éloigner de Dieu, c’est déjà être dans une position de victoire sur l’épreuve. Et l’on peut avoir besoin d’un frère ou d’une soeur qui nous aide et nous encourage à garder notre main dans la main du Seigneur. Ne pas s’éloigner de Dieu c’est éviter de tomber dans la révolte contre Dieu. En effet, ce n’est pas parce que l’on ne comprendrait pas telle ou telle situation que Dieu en serait alors le coupable sur lequel on devrait se défouler. Regardons le cas de Job :  « L’Éternel a donné, et l’Éternel a ôté ; que le nom de l’Éternel soit béni ! » (Job.1.21) ; « Quoi ! nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal ! En tout cela Job ne pécha point par ses lèvres » (Jb.2.10).

Conclusion

Les émotions suscitées par les expériences que nous traversons, qu’elles soient heureuses ou malheureuses, sont toujours utilisées par Dieu pour nous apprendre à dépendre toujours plus de Lui, et ainsi nous faire grandir dans la foi. 

« J’aime l’Éternel, car il entend ma voix, mes supplications ; car il a penché son oreille vers moi ; et je l’invoquerai toute ma vie. Les liens de la mort m’avaient environné, et les angoisses du sépulcre m’avaient saisi ; j’étais en proie à la détresse et à la douleur. Mais j’invoquerai le nom de l’Éternel : O Éternel, sauve mon âme ! L’Éternel est miséricordieux et juste, notre Dieu est plein de compassion ; l’Éternel garde les simples ; j’étais malheureux, et il m’a sauvé. Mon âme, retourne à ton repos, car l’Éternel t’a fait du bien. Oui, tu as délivré mon âme de la mort, mes yeux des larmes, mes pieds de la chute » (Ps.116.4-8). 

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