Tu sais toutes choses

 « Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t’aime » (Jn.21.19), disait Pierre à Jésus à la fin de leur entretien. Qu’y a-t-il derrière ce  « toutes choses » ? C’est ce que nous allons essayer de voir. 

La dernière fois qu’il avait croisé les regards de Jésus C’était dans la cour du Souverain Sacrificateur : 

« Le Seigneur, s’étant retourné, regarda Pierre. Et Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : avant que le coq ne chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois. Etant sorti, il pleura amèrement. » (Lc.22). Triste dernière entrevue entre Pierre et Jésus. En méditant ce passage, je réalisais que Généralement le coq chante au lever du jour. Je me suis alors demandé si Pierre n’était pas resté là, dans la cour du Souverain Sacrificateur, toute la nuit, ne trouvant pas le sommeil, et pour cause. A-t-il repassé dans sa tête les évènements passés, instants après instants, mots après mots, regards après regards, comme l’homme sait si bien le faire dans ces circonstances là. A-t-il pensé que Jésus ne pourrait pas lui pardonner cette faute ? 

Combien d’hommes et de femmes, pensent aujourd’hui que leurs péchés, si graves à leurs yeux, ne peuvent être pardonnés. Ces personnes espèrent que, par miséricorde, Dieu finira par leur pardonner, mais elles n’en sont jamais sûres pour autant. C’est une forme d’incrédulité qui paralyse la foi et fait le jeu de l’adversaire. Si Dieu pardonnait à la tête du client où serait son Amour inconditionnel que la Bible nous annonce page après page ? « l’amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. Et cet amour consiste, non point à ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimé et envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. 1Jn 4:9-10 Le Seigneur pardonne quiconque vient à lui avec un cœur sincère. Il dit encore par la bouche d’un des prophètes de l’Ancien testament : « Ce que je désire, est-ce que le méchant meure ? N’est-ce pas qu’il change de conduite et qu’il vive ?… Convertissez-vous donc, et vivez » (Ez.18). 

Pierre est donc resté là toute la nuit car Jésus n’était pas très loin de lui, derrière les murs de sa prison et peut-être a-t-il espéré qu’on le relâche.  Le chant du coq, certes annoncé par Jésus, a été le détonateur de ses larmes. Dieu sait interpeller les hommes. Ainsi un incident quelconque, ou une banalité des choses de la vie peut tout à coup mettre en lumière une faute insoupçonnée jusqu’alors, ou rappeler une situation volontairement tolérée. « Je ne connais pas cet homme. Au même instant, comme il parlait ainsi le coq chanta. Le Seigneur, s’étant retourné, regarda Pierre. Et Pierre se souvint de la parole que le Seigneur lui avait dite : avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. Et étant sorti, il pleura amèrement » (Lc.22.61&62).

Les larmes de repentance de Pierre ont eu raison de son orgueil, qui fut cette lui là, brisé. Pierre est de caractère impulsif ; n’a-t-il pas coupé une oreille d’un de ceux qui étaient venu arrêter Jésus ?  Il ne sait pas tourner sa langue sept fois avant de parler et agir. Ce qui lui a valu un jour d’entendre Jésus lui répliquer : « arrière de moi Satan ». On peut donc comprendre  l’empressement de Pierre à vouloir revoir Jésus. En effet, quelques heures avant que s’installe ce dialogue, Pierre était sur sa barque avec d’autres disciples et ils pêchaient. Et de lui ils ont reconnu Jésus, ressuscité : « Dès qu’il eut entendu que c’était le Seigneur, Pierre mit son vêtement et sa ceinture et se jeta dans la mer », à sa rencontre. Au fond de lui-même il cherche la réconciliation. La réconciliation ne peut passer que par le dialogue. Et de même que le regard de Jésus avait suffit à faire craquer Pierre ce soir là; un regard qui disait : – tu vois je t’avais prévenu ; de même le regard de Jésus sur la plage a dû rassurer Pierre qui a dû y voir l’amour et le pardon de son maître. Pourtant ce n’est pas la première fois qu’il le croise après sa résurrection : Jésus leur est apparu, traversant les murs. Episode où Thomas était absent. La surprise de voir le Seigneur n’a pas permis à Pierre de régler son problème. 

Cependant, Pierre, qui a réalisé que Jésus est ressuscité, a dû se demander ce qu’il allait bien lui dire, et surtout ce que Jésus allait lui dire, le jour où il aurait encore l’occasion de le revoir. Et lorsque Jésus apparaît sur cette plage, c’est pour régler ce ‘conflit’ que Pierre s’empresse d’aller vers lui. Mais il doit apprendre la patience, car ce n’est qu’après avoir mangé que Jésus interpelle Pierre, certainement devant les autres disciples. « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu plus que ceux-ci? ». Il faut dire que ses rapports avec Jésus, profondément troublés par son reniement, devaient être rétablis totalement. Tel est le but de Jésus dans cet entretien. Il fait subir un examen de conscience et de cœur que Pierre n’est pas près  d’oublier. Jésus ne l’interroge pas sur sa foi, qui n’avait pas défailli, grâce à l’intercession du Sauveur : « Simon, Simon, Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas » (Lc.22 .31-32).

Jésus l’interroge donc sur son amour, qui était devenu suspect par son infidélité. C’est pour cela qu’il ne l’appelle pas par son nouveau nom qu’il lui avait donné lors de son appel : Pierre ou Cephas. Le « Simon, fils de Jonas », devait lui rappeler état d’homme naturel et pécheur. Et Jésus n’y va pas avec le dos de la cuillère lorsqu’il lui demande s’il l’aime plus que les autres disciples. Cette allusion évidente et humiliante pour Pierre, à sa parole présomptueuse : « quand tous seraient scandalisés, je ne sera pas scandalisé » devait rappeler à Pierre qu’il s’était engagé à aimer Jésus plus que tous les autres ! « Simon, fils de Jonas, Pierre m’aimes-tu plus que ceux-ci? ? Oui Seigneur, tu sais que je t’aime ». Et par deux fois il répondra la même chose. Sauf à la troisième où, « attristé » de ce que Jésus pose pour la troisième fois la question, il répond : 

« tu sais toutes choses tu sais que je t’aime ». 

Si Pierre est triste c’est qu’il sent que cette troisième question renferme une allusion évidente à son triple reniement qui devait être réparé par une triple déclaration de son amour envers Celui dont il avait affirmé : « je ne connais pas cet homme » (Mt.26.72). Ainsi, Pierre humilié, mais en même temps pénétré d’un amour sincère pour Jésus, en appelle à la connaissance parfaite du Maître : de toute façon, « tu sais toutes choses », tu sais que je t’ai renié et je n’ai aucune excuse

Lorsque nous sommes fatigués, découragés, que nous perdons de vue la vision du Seigneur, et que nous ne savons plus quoi lui dire, il est bon de pouvoir simplement, comme Pierre, confesser notre amour: « Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t’aime » Jn.21 :19. Je n’y arrive plus, j’ai du mal en ce moment de méditer ta parole, j’ai du mal à te prier. Je suis conscient que cela ne doit pas durer dans le temps ; « Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t’aime »

Dire simplement cela c’est implicitement reconnaître ce que nous sommes, ce que nous avons fait ou pas fait et continuer à nous en remettre à lui, malgré tout. 

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